5B. Organisation du secteur

Les schémas organisationnels par secteurs

La responsabilité publique locale

Les communes sont les collectivités responsables de sa distribution de l'eau et de son assainissement (Doc.11). Pour mutualiser les coûts d'investissement comme de fonctionnement, les communes ont souvent choisi de constituer des syndicats intercommunaux et de leur déléguer la compétence distribution d'eau. C'est le cas pour 74,5% des communes représentant 69% de la population en 2008 pour la compétence production (Ministère de l'écologie, 2010), avec des variations régionales liées à l'accès à la ressource et aux formes socio-politiques du développement local. L'intercommunalité est plus fréquente à la fois pour les petites communes et pour les plus importantes.

Les abonnés restent les contributeurs principaux au financement des services d'eau par le biais de la facture. La collectivité publique, si elle compte plus de 3500 habitants, doit avoir un budget spécifique pour l'eau et l'assainissement, séparé du budget général de la commune (budget annexe).

Une gestion déléguée au privé pour 70% de la population française

L'exploitation du service est en France fréquemment déléguée à un opérateur, qui peut être public, mixte ou privé. Cette procédure, encadrée par les lois Sapin et Barnier de 1995, s'opère dans le cadre d'un contrat de Délégation de service public (DSP) qui fixe les engagements des deux parties, délégataire public et opérateur, en matière d'évolution du prix de l'eau, de travaux maintenance et de missions de service public. Le service est délégué pour 52,5% des communes en 2008, soit 70% de la population française. Plus la taille démographique de la commune est importante, plus cette proportion est élevée (Ministères, 2010). La délégation est particulièrement bien implantée en banlieue parisienne, dans l'Ouest de la France métropolitaine et en Outre-Mer.

La formule de la DSP, qui existe depuis la deuxième moitié du XIXe siècle, s'est développée particulièrement dans les années 1980, du fait des compétences technologiques et de la puissance financière nécessitée par les mises aux normes du traitement de potabilisation, et de l'épuration des eaux usées urbaines. Les grands groupes de l'eau ont pu, par ailleurs, faire valoir les économies d'échelle et leur insertion dans d'autres services urbains (transports, énergie, propreté, déchets) pour être performants sur l'exploitation de systèmes techniques qu'ils maîtrisent dès la conception.

Les trois opérateurs majeurs en France sont :

  • Véolia (ex-Compagnie Générale des Eaux), 1er opérateur par la population desservie

  • Suez-Environnement (Lyonnaise des eaux)

  • SAUR (Société d'Aménagement Urbain et Rural), moins puissante que les précédentes, mais très présente dans les villes moyennes, petites villes et milieu rural

Des entreprises plus locales ont pu être rachetées (ex : Ruas par Véolia en Languedoc-Roussillon ; la SDEI par Lyonnaise des eaux) ou restent indépendantes (la SOGEDO en Bourgogne). Il n'empêche que les trois entreprises dominantes, par ailleurs multinationales et prestataires pour de nombreux services urbains, forment un oligopole.

Le type de délégation le plus courant est celui de l'affermage, la collectivité restant propriétaire des infrastructures et financeur de leur extension (et de leur renouvellement selon les cas). Le rôle de l'entreprise est d'assurer l'exploitation du service, c'est-à-dire le fonctionnement matériel, la facturation, le service commercial et clientèle, et la main d'œuvre en cas de réparation sur le réseau ou chez le particulier ; elle se rémunère sur la facture, selon des clauses fixées dans le contrat. Les lois Sapin et Barnier (2005) qui ont imposé une durée maximale de contrats de 20 ans, une mise en concurrence des opérateurs candidats lors d'un appel d'offres et réduit la durée maximale des contrats – auparavant certains contrats pouvaient courir plus de trente ans.

Le cas de l'agglomération parisienne montre une partition, entre une commune-centre (Paris) qui vient de reprendre au 1er janvier 2010 l'exploitation aux opérateurs historiques Véolia et LDE, tandis que le SEDIF (Syndicat des Eaux d'Ile-de-France), qui regroupe 144 communes de banlieue a lancé un appel d'offres pour poursuivre la délégation de service public, et vient de prolonger le contrat début 2011 avec Véolia pour une dizaine d'années.

De manière générale le contrôle des opérateurs privés par les gestionnaires publics, plus organisés et regroupés, s'accroît. La concurrence lors des appels d'offres pour renouvellement de contrat a également suscité une baisse du montant des sommes revenant aux opérateurs et du prix de l'eau.

Choix politique, le retour en régie (remunicipalisation) se développe depuis quelques années; 47,5 % des communes gèrent le service d'eau potable en régie en 2008 contre 45,4 % en 2004, et la progression est du même ordre pour les services d'assainissement (Ministère de l'Ecologie, 2010). A la faveur d'un renouvellement de contrat, le gestionnaire public choisit de reprendre le (ou les) services en régie. C'est en particulier une démarche de la part des grandes agglomérations, et surtout des villes de taille moyenne. Certaines ont opéré le retour en régie, sur une partie de leur territoire à l'occasion de recompositions institutionnelles (exemple : CREA Rouen) ; d'autres n'ont pas encore entamé les procédures de retour en régie, mais l'envisagent ou disent l'envisager (exemple : CA de St-Brieuc). Au total, la démarche semble pré-intégrée aux questions à se poser pour une collectivité, dont le contrat de DSP eau arrive à échéance.

L'objectif affiché est de faire diminuer les prix de l'eau ou du moins d'endiguer la hausse, et aussi d'harmoniser ces prix à l'intérieur de la structure intercommunale. Cet objectif de maîtrise des prix guide aussi des collectivités qui restent en DSP, de manière à viser un meilleur service pour l'usager. L'objectif second, toujours affiché, relève de la recherche d'une maîtrise accrue du service et de la ressource par les collectivités publiques, plus ou moins en lien avec la mobilisation d'associations de consommateurs ou de défense de l'environnement.

Une nouvelle formule juridique de gestion de services vient compléter ce tableau des modes de gestion possibles, la Société Publique Locale (loi de mai 2010). La collectivité, plutôt que de gérer le service en régie ou de déléguer à un opérateur, peut créer une société de droit privé, à capitaux 100% publics, qui sera l'exploitante des services d'eau. Le contrôle sera exclusivement public. La Communauté urbaine de Brest et des collectivités voisines ont récemment créé leur SPL Eaux du Ponant, qui sera l'exploitante de leurs services d'eau à compter de janvier 2012 (à l'issue d'un contrat de 25 ans avec Véolia, pour la Communauté Urbaine de Brest).

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